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La Présidente du Parlement européen
COMMUNIQUES DE PRESSE

Sochaux, le jeudi 23 novembre 2000


INTERVENTION de Madame Nicole Fontaine, Présidente du Parlement européen, lors de la conférence européenne de Sochaux le jeudi 23 novembre 2000
 

Le texte prononcé fait foi


Je me réjouis, Monsieur le Ministre, que vous ayez pris l'initiative si opportune de nous réunir aujourd'hui à Sochaux, avec les Ministres des pays candidats, pour réfléchir ensemble à notre avenir commun.

L'Europe est en effet à la croisée des chemins, dans cette période où la France préside l'Union européenne.

L'enjeu est aussi capital que l'objectif est exaltant : au seuil du troisième millénaire, réussir la réunification dans la paix de toute l'Europe.

La famille de l'Union européenne, qui s'est patiemment construite depuis un demi-siècle sur les décombres d'une effroyable guerre fratricide, est désormais sur le point de s'ouvrir à tous les autres peuples d'Europe qui se sont affranchis de la servitude au cours de la dernière décennie.
Par leur géographie, par leur histoire qui nous a été si longtemps commune, par leurs cultures, les pays de l'Europe centrale et orientale qui sont actuellement candidats, ont vocation naturelle à nous rejoindre.

De leur côté, Malte et Chypre valoriseront la dimension méditerranéenne de notre Union.

Et la Turquie, qui est à la charnière de deux continents, a vu récemment, comme elle le souhaitait depuis longtemps, sa candidature être officiellement reconnue.

Depuis le sommet d'Helsinki, la phase des négociations concrètes a été engagée avec tous les pays qui en remplissent les conditions préalables, et le Parlement européen en suit pas à pas l'évolution.

En son nom, je voudrais dire que nous sommes conscients des efforts et des sacrifices demandés à chacun.

Certes, garantir l'acquis communautaire est un objectif ambitieux, mais il est nécessaire de le faire si nous voulons que cette adhésion sit, en fin de compte, bénéfique pour tous les citoyens, tant ceux des pays actuellement membres que ceux des pays qui nous rejoindront.
Pendant toute cette phase, le débat ne doit pas être fermé sur les seules autorités et institutions, nationales et européennes.

Ce sont des peuples, dont les cultures respectives sont diverses, qu'il faut unir, et pas seulement des Etats qu'il faut associer.

Les citoyens doivent donc être étroitement préparés à toutes les conséquences de ce futur élargissement par un large débat public, qui leur permette d'adhérer pleinement à cette exaltante aventure.

La question du calendrier est souvent évoquée. Elle le sera certainement au cours de cette table ronde.

Le Parlement européen estime pour sa part qu'il est raisonnablement possible d'envisager et il souhaite que son prochain renouvellement en 2004 se déroule avec la participation des premiers nouveaux Etats membres. Mais quand nous serons 28, trente ou plus, l'Union, pourra-t-elle changer à ce point d'échelle sans risquer de changer de nature ?

Pour répondre à ce défi existentiel, il nous faut réformer profondément les Institutions européennes afin qu'elles puissent conserver, dans la perspective d'une Europe élargie, leur capacité d'action et de décision.

Tel est l'enjeu central du tout prochain sommet européen de Nice.

Il faut réduire au minimum indispensable le champ des décisions qui sont encore prises aujourd'hui à l'unanimité du Conseil.

Il faut que la Commission puisse, dans sa forme collégiale, être en mesure, par sa dimension, son mode d'organisation interne, les pouvoirs accrus de son président, de continuer à assumer son rôle de moteur de l'intégration européenne.

Il faut en troisième lieu que la répartition des voix au Conseil assure un bon équilibre entre le poids démographique des Etats, et la reconnaissance de chacun de ceux-ci quelle que soit sa population, sans tomber dans la confrontation factice entre "petits" et "grands" pays.

En effet, demain, comme cela se profile dès aujourd'hui, la ligne e partage se fera entre les pays - grands ou petits - qui sont convaincus que notre avenir commun passe par le renforcement d'une intégration européenne maîtrisée et ceux qui en freinent le mouvement, voire le refusent en privilégiant une conception plus libre-échangiste ou plus nationaliste de l'Union.

D'où la nécessité, et c'est la quatrième ligne de forces, d'assouplir les coopérations renforcées qui permettront aux Etats qui veulent aller plus loin de le faire sans forcer la main de ceux qui s'y refusent au moins temporairement, à condition qu'elles demeurent des instruments d'intégration et non d'exclusion dans le cadre communautaire unique des institutions existantes.
Il faut enfin que la citoyenneté européenne, qui s'ajoute à la citoyenneté nationale sans l'affaiblir, soit confortée.

Elle doit l'être par une reconnaissance accrue du rôle du Parlement européen dans les domaines où son rôle est actuellement trop restreint au regard d'une authentique démocratie à l'échelle de l'Europe.

Elle doit l'être aussi par la promotion des valeurs communes dans lesquelles les citoyens de toute l'Union peuvent se reconnaître avec conviction et fierté.

D'où la nécessité de donner à la charte des droits fondamentaux la plus grande portée juridique afin d'affirmer que notre communauté, au-delà du marché, repose essentiellement sur des valeurs morales d'humanité.

Enfin, le sommet de Nice sera une étape essentielle certes, mais pas un point d'arrivée.

Il devra donner le coup d'envoi à la nécessaire réflexion de fond sur le futur, non seulement institutionnel mais aussi qualitatif, de l'Europe unie, avec une méthode de travail et un calendrier.

Au coeur de cette réflexion, la simplification des traités, leur constitutionnalisation, la clarification des compétences et le rôle des parlements nationaux, seront des objectifs centraux.

Même si le sujet paraît encore tabou, il ne sera pas possible d'éluder la réflexion sur les frontières ultimes de l'Union, c'est-à-dire en fait, sur les critères de géographie et de culure qui détermineront non seulement son étendue, mais surtout sa cohérence durable.

A l'heure de la mondialisation des échanges, la simple référence aux séparations continentales, qui ne tiennent parfois qu'à un bras de mer, a beaucoup perdu de sa signification.

Le vrai critère sera probablement à rechercher ailleurs : quels pays sont prêts à vivre ensemble de façon aussi étroite? La réponse conditionne le débat, déjà engagé, entre une Europe-espace et une Europe-communauté, capable d'être une puissance cohérente au service de la paix et du progrès.

Nous avons beaucoup de raisons d'être optimistes, car l'attente des peuples à l'égard d'une Europe plus unie n'a cessé de monter au cours des dernières années.

Ô certes, une attente parfois déçue, comme c'est le cas aujourd'hui face au spectre de la maladie de la vache folle, ou au risque des naufrages dévastateurs de l'environnement, mais une attente qui montre la voie d'une Europe politique solidaire, capable d'apporter des solutions européennes concrètes aux grandes préoccupations du moment, et de tracer, à l'aube du troisième millénaire, un nouveau grand dessein humaniste.

Je puis vous assurer que pour sa part, le Parlement européen entend ce message qui monte des peuples et le reçoit comme il convient.

 
© Parlement européenResponsable du site : Hélène Lanvert