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La Présidente du Parlement européen
COMMUNIQUES DE PRESSE

Chamonix, le 29 septembre 2001

Allocution de Mme Nicole FONTAINE, Présidente du Parlement européen
lors de la cérémonie d'inauguration du mémorial érigé en hommage aux victimes de l'incendie du tunnel du Mont-Blanc
 

Cher Président,
et chères familles des 39 victimes du tragique incendie du 24 mars 1999,

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Madame la Présidente de la Région Rhône Alpes,
Monsieur le Président de la Région du Val d'Aoste,
Monsieur le Conseiller d'Etat de Genève,
Mesdames et Messieurs les députés, sénateurs, maires et élus,
Mesdames et Messieurs,

Vous avez souhaité que cette cérémonie qui nous réunit soit celle qui gravera pour toujours le souvenir d'un drame que le temps ne doit pas effacer, celle de la solidarité dans l'épreuve toujours vive des affections tragiquement brisées, celle de la dignité d'un message pour le futur que vous voulez apporter en faveur de la vie, celle aussi d'un moment de recueillement, qui met entre parenthèse le tumulte extérieur sur les responsabilités passées qui devront être établies ou sur le devenir de ce tunnel dont la restauration s'achève.

Vous avez également souhaité que l'inauguration de ce mémorial manifeste aux yeux de tous que l'incendie du 24 mars fut une tragédie européenne. Elle le fut par le nombre élevé des victimes qui appartenaient à dix nationalités de l'Europe.

Je suis profondément touchée que vous ayez voulu en donner le signe en invitant la présidente du Parlement européen dont la mission est de représenter, dans ce qui les unit, les quelque 400 millions de femmes et d'hommes qui vivent et travaillent sur le sol de l'Europe.

J'y suis infiniment sensible pour l'institution que je préside, et qui avait exprimé son immense compassion dès l'instant même du drame. Mais c'est d'abord, personnellement, et avec le coeur rempli d'émotion, que je suis venue m'associer à vous, aujourd'hui.

Grâce au mémorial que nous inaugurons, demain, quand la vie aura repris son cours par la force des choses, le temps qui passe n'effacera pas ce qui ne doit pas être oublié. A chaque homme, à chaque femme, à chaque enfant qui s'engageront dans ce tunnel, il rappellera qu'un jour, cette voie de passage qui ne devait servir qu'à franchir la barrière de la montagne entre nos deux pays, l'Italie et la France, et à servir de lien entre l'Europe du nord et l'Europe du sud, est devenue en un instant, un piège de mort et le lieu d'un grand désastre humain.

Le souvenir de vos chers disparus sera une lumière qui se consumera doucement sans s'éteindre, dans le coeur de chacune de vos familles dont la vie ne sera plus jamais comme avant. Mais cette douleur, si intime et personnelle qu'elle demeure, ne peut qu'unir tous ceux qui se trouvent brutalement frappés dans les mêmes circonstances. Aussi, dans cet instant, je voudrais en particulier associer à notre souvenir du drame du 24 mars, celui, si comparable, du funiculaire de Kaprun, l'an dernier, dans les Alpes autrichiennes, et aussi, même si les causes sont différentes, l'explosion dévastatrice de Toulouse, avec son cortège d'autres vies fauchées et ses deux milliers de blessés.

Les êtres chers que vous pleurez, bien sûr, ne reviendront pas. Mais leur souvenir vous accompagnera pour toujours, et nous tous qui vous entourons aujourd'hui, formons le vœu que vous trouviez dans votre foi personnelle, qu'elle soit religieuse ou d'autre nature, la force de réapprendre à vivre, sans jamais oublier l'épreuve qui vous a frappés injustement, mais en la surmontant avec tout votre courage.

Les 39 victimes du tunnel du Mont-Blanc ne doivent pas avoir perdu la vie et brisé celle de vos familles, pour rien. Nous devons tirer les enseignements de ces drames et empêcher que de telles horreurs se répètent. Nous devons puiser dans notre émotion la force d'agir.

Pour exercer une fonction qui, en permanence, et plus particulièrement ces jours-ci, depuis l'attentat monstrueux du 11 septembre aux Etats-Unis, m'impose la préoccupation et la responsabilité de la sécurité des milliers de personnes qui viennent au Parlement européen et y travaillent, je sais que le discernement sur les décisions raisonnables à prendre n'est pas toujours aisé, et que la sécurité absolue est inaccessible.

Le drame du 24 mars aura servi d'électrochoc. A la différence des zones de pauvreté du reste du monde, nos pays européens ont les moyens d'assurer la sécurité pour protéger les vies humaines. Aujourd'hui, on a su trouver, au niveau français, et au niveau du budget européen qui y a contribué pour une centaine de millions de francs, les ressources nécessaires pour sécuriser le tunnel du Mont-Blanc. Mais ce qu'on a fait trop tard ici, il faut le faire avant, et partout.

Parce qu'elles ont beaucoup souffert et parce qu'elles sont les témoins d'un drame qu'il ne faut plus revoir, je forme le vœu, Monsieur le Préfet, que les familles des victimes qui sont ici présentes, soient associées, comme elles vous l'ont demandé, aux tests de sécurité du tunnel qui vont être prochainement organisés. Je ne doute pas que les difficultés techniques qu'on invoque pourront être levées. La présence de leurs représentants aurait une signification forte pour manifester l'attention que les pouvoirs publics portent à associer dans une relation nouvelle, les citoyens, aux mesures prises pour leur sécurité.

A plus long terme, parce que le retard pris ne peut pas être rattrapé sur-le-champ, nous sommes tous conscients que la politique et l'utilisation des infrastructures de transport doivent être énergiquement revues.

Dans un Livre Blanc que la Commission européenne vient de publier, elle entend prendre à bras-le-corps au niveau européen, le problème de l'asphyxie des transports par route. Elle propose un saut qualitatif, non seulement sur le plan de la sécurité, mais aussi en favorisant la reconversion du transport de marchandises, grâce au convoyage combiné entre le rail et la route. Soyez assurés que la Parlement européen soutiendra de toute sa force ce rééquilibrage nécessaire à la sécurité et au mieux-être de chacun d'entre nous. Dans cette perspective, j'apprécie que le ministre des transports ait convoqué une table ronde, qui se réunira le 2 octobre, et à laquelle vous participerez.

Consciente de la précarité, voire du dénuement, dans lequel le drame du 24 mars a plongé des familles entières, orphelines de celui ou celle qui les faisait vivre, je souhaite non seulement que les assurances aillent jusqu'au terme d'une indemnisation qui soit à la hauteur du préjudice subi dans le malheur,y compris moral. S'agissant de l'Europe, des mesures sont en cours pour harmoniser les régimes d'assurances et j'accueille positivement votre souhait d'un statut européen des victimes des catastrophes collectives dont le Parlement européen pourrait se faire l'initiateur auprès de la Commission. Quand le sort et le malheur frappent de façon identique, la solidarité doit également être identique.

Cher Président, vous avez eu les mots justes pour le dire : ce drame a réuni des familles de toute l'Europe. Elles sont devenues un maillon de cette Europe plus humaine dont nous devons parfaire la construction.

Chers parents des victimes, je rends hommage à votre courage et à votre dignité dans l'immense épreuve de la disparition de vos proches les plus chers. Ce que vous êtes venus faire aujourd'hui ne peut que raviver votre peine. Mais vous l'avez fait pour le souvenir et pour que cela serve, par la force du témoignage de ce mémorial, à protéger d'autres vies, et je vous en rend hommage de tout mon coeur.

 
© Parlement européenResponsable du site : Hélène Lanvert