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La Présidente du Parlement européen
COMMUNIQUES DE PRESSE

Strasbourg, mercredi 12 décembre 2001

Discours de Mme Nicole FONTAINE Présidente du Parlement européen, pour la remise du prix Sakharov
 

Chère Madame Nurit Peled-Elhanan,
et
Cher Monsieur Izzat Ghazzawi,
Cher Monseigneur Zacarias Kamwenho,

Le Parlement européen est heureux de vous accueillir dans cet hémicycle, pour vous décerner le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit. Et en vous accueillant, je salue aussi les personnes qui, notamment de vos familles, ont pu vous accompagner.
Depuis 1988, le prix Sakharov que le Parlement européen décerne chaque année, honore des personnalités ou des organisations qui ont marqué de leur empreinte la lutte en faveur des droits de l'homme et de la liberté dans leur propre pays. Au centre de leur action, une conviction très forte : le droit de vivre dans le respect et la dignité pour chaque être humain, quels que soient son origine ethnique, son sexe ou ses convictions.

Cette année, il a décidé, pour la première fois, d'attribuer ce prix Sakharov, à trois lauréats. Cette décision exceptionnelle répond à des circonstances exceptionnelles.
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Chère Madame Nurit Peled-Elhanan,

Vous venez de la terre d'Israël, et vous avez personnellement beaucoup souffert. Un jour, vous avez écrit que "pour mettre un terme à la guerre, il faut comprendre que le sang a la même couleur pour tous et que la mort de n´importe quel enfant est la mort du monde entier."

A la mort de SMADAR, votre fille de 13 ans, frappée dans un attentat-suicide palestinien, vous n'avez pas voulu réagir à l´horreur par la haine, et vous avez choisi de dénoncer "une politique myope qui refuse de reconnaître les droits de l'autre et fomente la haine et les conflits".

Qui d'entre nous pourrait affirmer que face à la pire des injustices, celle de perdre un enfant, il aurait ce courage et cette dignité ?

Qui d'entre nous ne se sent pas interpellé au plus profond de lui-même par cette lucidité et cette force qui ont fait de vous, Chère Nurit Peled-Elhanan, le symbole de tous ceux qui, au sein du peuple israélien, militent en faveur d'une paix qui tienne compte de l'existence et des aspirations des deux peuples, le peuple israélien et le peuple palestinien ?



Nous tenions, en vous remettant le prix Sakharov, à montrer combien nous sommes attachés à soutenir toutes celles et tous ceux qui, par leurs actes quotidiens, malgré un contexte historique difficile, malgré la pression des événements, oeuvrent sans relâche au rapprochement entre les peuples.


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Cher Monsieur Izzat Ghazzawi,

Vous venez de la terre palestinienne, et vous avez également beaucoup souffert. Dans une de vos lettres écrites en prison, vous vous adressiez à un ami israélien poète, qui vient de mourir, Ya'ir Horowitz, en cherchant à renouer un dialogue que la mort avait interrompu, en traçant les contours du rêve de paix que vous partagiez, en espérant résister au découragement qui vous menaçait parce que ce rêve de paix s'éloignait au fil des années.

Inlassablement, vous avez cherché la paix et favorisé le dialogue entre les peuples israélien et palestinien. Inlassablement, et ce malgré la prison, malgré la censure, malgré surtout la perte irréparable de RAMY, votre fils de 16 ans, tué par l'armée israélienne alors qu'il portait secours à un ami blessé dans la cour de leur école.

Résolument, vous avez poursuivi ce dialogue, par vos écrits, par vos cours à l'université de Bir Zeit, par votre rôle moteur au sein de l'Association des écrivains palestiniens dont vous assurez la présidence, par vos contacts avec des écrivains israéliens et des publications conjointes. Vous vous êtes employé à concrétiser l'objectif de la tolérance et de la compréhension mutuelle entre les cultures, les religions et les peuples de l'ensemble de la région.

Chère Madame Nurit Peled-Elhanan, Cher Monsieur Izzat Ghazzawi, en vous honorant conjointement, le Parlement européen veut contribuer à forcer le destin de la paix contre l'évidence de la guerre, à manifester les forces de la tolérance et de la compréhension ainsi qu'à maintenir l'espoir.

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Cher Monseigneur Kamwenho,

Depuis 25 ans votre pays est en guerre, et depuis 40 ans, si l'on y ajoute la lutte pour l'indépendance qui a commencé en 1961.

Deux générations d'Angolais ignorent ce que signifie le mot "paix".
Et le bilan de cette guerre interminable est accablant : un million de morts, près de quatre millions de personnes déplacées, des centaines de milliers d'enfants orphelins, de mutilés de guerre, une population sous-alimentée, de sorte qu'un enfant sur cinq meurt avant d'avoir atteint l'âge de 5 ans, une espérance de vie à la naissance inférieure à 45 ans… Un territoire dans lequel ont été enfouies des millions de mines antipersonnelles. Une pauvreté extrême, en dépit de ressources naturelles qui, hélas, servent essentiellement à alimenter la guerre.

Notre Parlement s'est toujours engagé à promouvoir une solution politique au conflit en Angola, et nous avons régulièrement souligné la nécessité pour toutes les parties en présence d'entamer d'urgence un dialogue global qui puisse mener à une paix durable assurant la promotion et la protection des droits de l'homme.

Notre Parlement a salué à de multiples reprises les efforts déployés en ce sens par les Eglises et les organisations de la société civile.

Comme archevêque de Lubango, comme président de la Conférence épiscopale catholique d'Angola et de Sao Tomé, comme président du Comité oecuménique pour la paix en Angola, vous vous êtes fait l'apôtre des droits fondamentaux et de la paix, symbolisant l'espoir du peuple angolais, son désir de paix, de liberté et de justice.

Nous saluons l'itinéraire d'un homme, son oecuménisme, sa détermination, la force de sa voix.

Nous saluons aussi le porte-parole des aspirations de tous ceux qui, au sein de la société civile angolaise, travaillent pour le dialogue et la réconciliation.

Et c'est à tous ces titres, Cher Monseigneur Kamwenho, que nous vous décernons aujourd'hui le prix Sakharov pour la liberté de l'esprit.

Je veux conclure en honorant la mémoire de ceux qui sont tombés, enfants, femmes et hommes, victimes de ces conflits, en Israël, en Palestine, en Angola.

Notre soutien aux militants de la paix que sont les trois lauréats du prix Sakharov 2001, Nurit Peled-Elhanan, Izzat Ghazzawi et Zacarias Kamwenho, témoigne de notre émotion face à leur destin tragique et de notre refus commun de toute forme de violence.

 
© Parlement européenResponsable du site : Hélène Lanvert